Ce soir, sa majesté Le Four était moins taiseux.
Il traitait l’écume avec le mépris des grands Rois… L’autocrate de la mer d’Iroise était plus que jamais fier d’avoir, une fois de plus, échappé à la révolution qui éclata la nuit précédente… Et pourtant, depuis plusieurs jours, la rumeur enflait. En coulisses, le peuple prédisait que le ciel allait lui tomber sur la tête et que des courants d’air rageurs venus de l’ouest allaient tenter de lui décapiter la lanterne…
Il m’a confié que des tempêtes et autres manigances, il en a vu passer. Des ouragans, un peu moins.
Cette nuit-là, ce sont des tonnes de masses liquides alliées aux grains qui tentèrent à nouveau de l’assaillir, poussées par des vents violents venus de l’Atlantique. Depuis mars 1874, il résiste avec brio. En 2015, on l’a même décoré du mérite national « Monument Historique » pour cela. Quel revers pour ses détracteurs et quelle bizarrerie démocratique pour un seigneur !
Son cousin, le Roi de Saint-Mathieu, le prévient régulièrement de pareils assauts occidentaux. Alors, fièrement, la Bastille du chenal se prépare et encaisse. Le Four toise de son feu les arbres centenaires qui cassent sur le continent. Comme ses cousins dans les Highland, il sait qu’il ne peut en rester qu’un. Et c’est bien lui le maître. Du reste, il ferait bien de se méfier de son homologue du Royaume des Pierres-Noires. Paraît-il que lui s’est battu contre des masses liquides de vingt et un mètres sans broncher…
Finalement, l’histoire que cette montagne de granit m’a contée est assez déconcertante. L’esprit même des lumières n’essaie-t-il pas de se retourner contre lui ?
Ça y est, c’est fini, il se tait. Le fanal reprendra ce soir sa mission, lueur après lueur, nuit après nuit…
Celle de guider le petit peuple de la mer.