Pour notre troisième rendez-vous du vendredi, je vous emmène dans l’univers des mousses de la Marine nationale à bord du Belem, pour un shooting dont je me souviendrai longtemps !
Cette photographie en noir et blanc est riche de sens car emblématique d’un véritable démarrage à deux niveaux.
Elle symbolise tout d’abord le voyage initiatique de la nouvelle promotion de mousses venant d’intégrer le Centre d’Instruction Naval de Brest (CIN), et qui embarque sur un bateau pour la première fois de sa vie. Pour la plupart, c’est une grande découverte, d’autant plus lorsqu’il s’agit de naviguer à bord du Belem, l’un des plus anciens trois-mâts d’Europe en état de naviguer, et le second plus grand voilier restant en France. Cette « grande première », je la partage avec eux car j’effectue pour ma part mes premiers pas en tant que Peintre officiel de la Marine. Après dix années passées à rêver d’intégrer ce corps séculaire et ancien, j’aborde cette expérience comme une véritable naissance à la mer.
Nous sommes au mois d’octobre 2021. Le Belem est un très beau bateau et il règne à bord une ambiance maritime absolument dingue. Je côtoie les jeunes mousses dans les carrés et au petit déjeuner le matin. Nous voilà donc ainsi tous embarqués dans une belle aventure maritime pour une navigation en mer d’Iroise, aux abords de Douarnenez, du Raz de Sein, du Cap de la Chèvre et du goulet de la rade de Brest.
A bord, je m’attaque à un exercice très intéressant, duquel je ne suis pourtant pas coutumier : la photographie humaine. Armé de mon objectif de 800 mm, je shoote dans la plus grande discrétion, mes sujets se trouvant très éloignés de l’objectif n’y prêtant pas attention. Il en ressortira une série de portraits singuliers en noir et blanc.
Le navire était au mouillage. C’était l’une de ces soirées avec de très belles lumières, que l’on ne voit d’ailleurs pas à l’image en raison du traitement noir et blanc. Ayant abandonné mon 800mm, je discutais sur le pont avec à la main un petit boîtier de reportage (objectif 24-70 mm). Et puis je l’ai vu près de la barre. Il semblait interpelé par quelque chose à l’entrée du port. Il avait surtout cette attitude extrêmement digne et fière. A cet instant précis, il semblait résolument tourné vers son avenir, dans un moment hors du temps. C’est ainsi que j’ai immortalisé cette photo mettant en scène le jeune Yanis.
On retrouve dans cette image des codes intéressants de la marine, avec la barre à roue, le compas, et ce jeune marin qui regarde au loin, vers un cap qui l’intrigue. Avec ses codes à la française, cette image serait presque digne d’une campagne Chanel. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que cette photo ait été choisie pour rejoindre les pages de « Carènes, Acte II ». Elle matérialise à elle seule l’aventure maritime, marquant les premiers bords de cette toute jeune promotion, et les premiers pas d’un Peintre officiel de la Marine fraîchement nommé.
Je terminerai par un clin d’œil. Dans le cadre de cette navigation, j’ai embarqué avec Raphaële Goineau, artiste peintre nommée Peintre officiel de la Marine en même temps que moi. De ce voyage est né une belle complicité et une relation fraternelle. A l’issue de notre périple, nous avions compris que nos sillages seraient amenés à se recroiser autour de cette passion commune, et ce pour de nombreuses années à venir.